Le branle bas de la croisière,
Jean Gouin notre brigadier,
Me rappelle mon bâtiment,
Dans la cayenne f’sait du charme
Mais j’garde au coeur une souffrance,
Sonnait en haut d’Recouvrance,
La plus belle de Laninon,
Fanny Kercrauzon,
M’offrit un pompon,
Un pompon de fantaisie
C’était elle ma bonne amie,
Elle fréquentait un bistrot
Rempli de mat’lots
En face du dépôt,
Quand je pense à mes plaisirs
J’aime mieux m’étourdir
Que d’me souvenir.
Ah Fanny de Recouvrance
J’aimais tes yeux malins
Quand ton geste plein d’élégance
Balançait des marsouins,
Je n’étais pas d’la maistrance
Mais j’avais l’atout en mains,
Et tu v’nais m’voir le dimanche
Sur le Duguay Trouin.
A c’t’heure je suis retraité,
Maître timonier,
Aux ponts et chaussées,
Je fais le service des phares
Et j’écoute la fanfare
De la mer en son tourment
D’Molène à Ouessant
Quand souffle le vent,
L’tonnerre de Brest est tombé
Pas du bon côté
Tout s’est écroulé.
A c’qui reste de Recouvrance
J’logerais pas un sacot,
Et Fanny ma connaissance
Est morte dans son bistrot.
J’n’ai plus rien en survivance
Et quand je bois un coup d’trop,
Je sais que ma dernière chance
S’ra d’faire un trou dans l’eau.